Mission. Insertion (Philippe Labbe Weblog. II)

Montrer la voie pour ne pas monter la voix ! 1/4 (Philippe POURTALET, Septembre 2015)

10 Septembre 2015, 07:25am

Publié par mission

Enfin ! Voici une (belle) contribution de Philippe POURTALET, conseiller à la Mission locale de Tarbes : « Montrer la voie pour ne pas monter la voix ! ». J’ai rencontré Philippe à l’occasion d’une formation que j’animais dans cette (re-belle) région et puis, de fil en aiguille, d’atomes crochus en molécules empathiques, de concordance prénominale en tout cas étymologiquement pour les chevaux (philos : « ami », hippos : « cheval »), nous avons tissé des liens par courriels, en particulier à partir de son ouvrage Un battement d’Elle (éditions Arcane 17). Philippe, papa d’une petite fille autiste, parle de cela, des enthousiasmes et énervements, des communions et incompréhensions… Il y a, ici (cet article) et là (son ouvrage), des expressions qui vous accrochent tel un velcro : « … lorsqu’un sparadrap a pu être collé sur son apparat, autrement dit une étiquette apposée sur son handicap »… » On hésite entre le sparadrap du capitaine Haddock (cf. Hergé,  1956, L’affaire Tournesol) et Stigmate d’Erving Goffman (1975, les éditions de minuit)

Ici, Philippe nous propose un article sur la sanction paru dans Les cahiers de l’Actif n° 463-469. Cette contribution totalisant quinze pages, on la publie en quatre chapitres, son propre découpage, à raison d’un chapitre tous les deux-trois jours. Aujourd’hui, « 1. Aller à la rencontre ».

Philippe LABBE

PS. J’en profite pour ouvrir une énième fois les pages de ce blog à toutes celles et ceux qui veulent « dire des choses » sur la jeunesse, la relations, l’insertion, la vie, la société, le monde…

 

 

Montrer la voie pour ne pas monter la voix !

Il va presque aujourd’hui de soi que la valeur éducative de la sanction soit considérée comme très limitée, « au mieux » circonscrite au moment de son application sans plus aucun effet passé le temps de l’agitation et de l’émotion.

Et pourtant celle-ci reste toujours d’usage dans les cours de récréation, au sein de certaines institutions, vestige d’une époque où le mérite le disputait à l’ordre, préparant sans doute ainsi l’élève modèle à notre modèle de société qui a fièrement et laborieusement hissé jusqu’à son sommet les critères de « comparaison », de « compétition » et de « sélection » ! 

Une société où la communication, avec ce qu’elle représente de découverte et d’acceptation de l’autre, de remise en question personnelle, de « rencontre » avec le monde est le parent pauvre des relations entre les individus, de l’éducation au sens large.

Car il s’agit bien de cela quand la sanction signe un défaut de communication par manque de repères ou simplement par solution de « facilité » bien qu’il semble très compliqué de gérer humainement un « après-sanction »… 

Par ce biais, la sanction symbolise en fait le déficit d’échange et de mise en partage d’un panel de moyens existants ou à créer permettant d’anticiper la survenue ou d’empêcher l’extension de ce que l’on nomme pudiquement la plupart du temps une « situation problème ».

Alors lorsqu’il s’agit d’enfants avec handicap, ce petit quelque chose en plus qui fait qu’ils sont plutôt moins considérés, qu’en est-il ?

 

1. Aller à la rencontre…

 

Certains arguent d’un côté de l’extrémité que le handicap n’est pas un « prétexte » pour ne pas avoir à réprimer ou à blâmer, gommant de fait la notion même de handicap, quand d’autres évoquent, dans une attitude exclusivement compatissante, que l’on s’en prend à des enfants déjà « sanctionnés » par la vie, et donc quelque part « abimés », sans rien proposer de vraiment concret en retour !

Entre ces deux points de vue « aux antipodes » comment situer sa pratique lorsque l’on est un professionnel et que mettre en face de tangible ?

Tout bien sûr ! Ce « tout » représentant une palette riche et infinie en nuances d’actions et d’accompagnements visant à consolider, renouveler, réinventer l’existant pour l’adapter à chaque personne, à son contexte et à ce qui fait sens pour elle, les besoins des uns ne correspondant en rien à ceux de pairs même si le diagnostic posé peut laisser entrevoir des contraintes ou évolutions similaires.

A ce titre la reconnaissance d’un handicap coexistant avec l’individu, avec ce qui le caractérise de limites et de ressources, d’attendus ou d’imprévisible, de factuel ou de plus formel, devrait automatiquement attirer l’attention sur la spécificité de ses besoins et ne plus faire débat. On ne parle donc plus ici seulement de différence à prendre en considération mais de la capacité à envisager que tout être possède des attentes exclusives que les moyens mis en place vont chercher à satisfaire…

Alors la formation, outil par l’excellence, trouve évidemment matière à s’intercaler dans l’énumération de ces moyens car elle « oblige ». Elle oblige ainsi à repenser, resituer, réinterpréter un mode de (dys ?)fonctionnement ancré dans le confort très relatif de la routine et de rituels instaurés afin de plutôt rassurer l’accompagnateur. 

La formation avec son florilège de mises en perspective, d’échanges croisés, d’apports en connaissances théoriques et d’analyse de pratiques semble donc indispensable, incontournable, nécessaire à l’éclosion du changement… certainement pas suffisante.

Avant toute chose la posture d’accueil, d’ouverture à l’autre devrait constituer l’Alpha et l’Omega de la mallette du professionnel mis dans les meilleures conditions par l’institution pour «concevoir » la différence. 

Par conséquent, cette disponibilité d’esprit s’intègre dans un paysage professionnel qui nécessite de s’interroger ou se réinterroger sur cette fameuse et tant usitée « juste distance » à trouver par rapport à l’autre là où il serait beaucoup plus judicieux et opérationnel d’évoquer une « juste distinction à l’être », l’autre n’étant en aucune manière « moi », afin d’éviter une « confusion relationnelle » peu propice à l’atteinte d’une sérénité et d’une certaine efficacité.

Cette posture n’est cependant pas que le résultat attendu de solutions et de recettes miracle que l’on chercherait à appliquer à tout prix ou, plus justement, à insérer entre les injonctions institutionnelles ou les urgences situationnelles et qui ne trouveraient valeur que pour des situations bien « ficelées » quasi inexistantes en soi. Non, cette conduite s’appuie bien plus sur cette aptitude à tout être humain à aborder et à accepter l’autre dans « l’inconfort » relationnel premier qu’il propose, ou oppose même parfois, de par sa nouveauté et ses parts d’inconnue pour aller vers une rencontre palpable et durable trouvant racine dans la reconnaissance de la diversité des origines et de ses richesses…

Tel est le crédo que tout personnel éducatif, psychologue, orthophoniste, psychomotricien, assistante maternelle, du secteur médical… se doit de relever dans une attitude où l’empathie, la considération positive inconditionnelle et la congruence, sorte de cohérence entre le langage verbal et non verbal si chers au psychologue américain Carl Rogers, devraient être la règle… mais pas celle qui est venu tutoyer autrefois de trop près et pendant très longtemps les doigts d’enfants soumis à une certaine idée de la perfection !

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

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S
Analyse très pertinente. Philippe Pourtalet maîtrise le sujet. Merci
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