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L’ULM et le Rafale. Les deux, mon capitaine ! (Philippe LABBE, 01 novembre 2014)

3 Novembre 2014, 20:16pm

Publié par mission

La dotation de l’Etat pour les Missions locales est d’environ 180 millions d’€. Toutes sources de financement confondues, incluant donc les collectivités territoriales, les Missions locales perçoivent annuellement 524 millions d’€, soit 374 € par jeune et par an. S’agissant des communes et EPCI, celles-ci accordent 96,7 millions d’€ par an aux Missions locales, soit 70 € par jeune et par an. Si l’on se limite aux « JDI », soit 721 000 en 2011, le coût annuel d’un accompagnement s’élève à 726 €. S’agissant de la subvention des communes et EPCI, elle correspond à 1,46 € par habitant et par an sur la base des « JDI »… ceci en moyenne, les écarts étant de 1 à 10.

 

Dans un tout autre domaine, quoique faisant partie des comptes de la Nation, sur la base du prix unitaire estimé par la Cour des comptes[1], un Rafale – ce « meilleur avion de chasse au monde » que nous ne parvenons à vendre à personne sinon à nous-mêmes - coûte environ 101 millions d’€, le coût d'entretien par heure de vol atteignant 15 000 euros[2]. Notons qu’il s’agit bien du coût et non du prix de vente, soit 90 millions d’€ pour l’éventuel client indien, le solde étant à régler par le contribuable français. Le 10 janvier 2014, Jean-Yves Le Drian annonçait, « le coup de pouce de l'Etat au Rafale » avec une commande d’urgence d'un milliard d'euros au groupe privé Dassault[3]. Un milliard, soit plus de cinq années de dotations accordées aux Missions locales.

 

Certes, on dira que la construction du Rafale représente des emplois en Gironde, Val d’Oise et Haute-Savoie. Mais, en 2011, l’activité des Missions locales a permis 637 000 entrées en emploi, dont 516 000 en « emplois classiques »[4], ceci alors que le Conseil d’Analyse Economique évoque « un système défaillant » en matière d’accompagnement… faute de moyens : « L’accompagnement est loin d’être intense : en 2008, seuls 11% des non-qualifiés ont eu au moins un entretien par mois et 50% d’entre eux n’ont eu que trois entretiens sur 12 mois. » Ainsi « les structures et les moyens dédiés à l’accompagnement des jeunes en difficulté sont encore trop parcimonieux pour remettre sur les rails les plus défavorisés ». Et le CAE de préconiser – cela en fera soupirer plus d’un – « une réorganisation de l’accompagnement et un triplement des moyens alloués par l’État à l’accompagnement des jeunes » en indiquant que « le taux d’encadrement ne doit guère être inférieur à un conseiller pour trente jeunes en difficulté, comme c’est le cas dans les meilleures expériences d’accompagnement renforcé en France ou à l’étranger, et non un conseiller pour 100 jeunes comme on le constate aujourd’hui en France. »[5]

 

Une simple note de plus à empiler dans l’amnésie des rapports (IGF, IGAS…) comme celle du CESE pour qui « Le service public de l’emploi (SPE) auquel appartiennent les Missions locales pâtit de moyens insuffisants et hétérogènes »[6] ?

 

Toutefois, un peu d’espoir car peut-être va-t-on – enfin ! – dans le bon sens avec les 1 600 € pour l’accompagnement des jeunes en « Garantie Jeunes » dans la mesure où, pour le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, « il est intéressant de relever qu’avec des moyens significatifs (de l’ordre de 1 500 € par jeune, avec des entretiens réguliers), la prestation d’accompagnement renforcé des jeunes décrocheurs prévue par les partenaires sociaux, a permis d’obtenir des résultats très encourageants. »[7]

 

N’empêche… ça en prend du temps. 

« Des choux et des navets ! », objectera-t-on. Le petit ULM des Missions locales et le gros Rafale de la Défense nationale. Avec toutefois un point commun : c’est l’argent de la Nation. Donc un choix politique. Priorité aux armes ou à la socialisation de la jeunesse ? « Les deux, mon capitaine », répondra-t-on. Puisqu’il s’agit de Rafale.

 

 

[1] Cour des Comptes, Rapport public annuel 2010, février 2010 (in « La conduite des programmes d’armement »).

[2] BFM Business, 2 octobre 2014.

[3] Yvan Stefanovitch, « Les gaspillages du Rafale ou l’aveuglement d’un président »,  Le Huffington Post, 14 janvier 2014.

[4] CNML, Chiffres d’activité 2011.

[5] Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo, Klaus F. Zimmermann, « L’emploi des jeunes peu qualifiés en France », CAE, note n° 4, avril 2013.

[6] CESE, Rapport sur l’emploi des jeunes, 2012.

[7] Régis Juanico, Jean-Frédéric Poisson, Rapport d’information sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, Assemblée nationale, 5 décembre 2013.

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