Mission. Insertion (Philippe Labbe Weblog. II)

Un jeu de piste : faire tourner les jeunes chômeurs. (Philippe LABBE, 12 novembre 2014)

12 Novembre 2014, 09:03am

Publié par mission

Selon Ouest-France interrogeant Guillaume Siméon, directeur de la Mission locale de Loudéac, le différent entre celle-ci et les élus de la communauté de communes CIDERAL trouve son origine dans les emplois d'avenir. Pour les édiles, la Mission locale doit accompagner les jeunes diplômés alors que sa place est prioritairement auprès des jeunes « les plus en difficultés {…} La divergence est là. Ce n'est pas le rôle fondamental d'une Mission locale attendu par l'État. » Quelques précisions méritent d’être apportées.

Créées par ordonnance en mars 1982 à la suite du rapport de Bertrand Schwartz commandé par Pierre Mauroy, les Missions locales ont été conçues selon un double principe d’équité : elles n’interviennent qu’auprès des jeunes et, parmi ceux-ci, prioritairement auprès de ceux rencontrant le plus de difficultés. Notons au passage qu’il serait plus pertinent de parler de jeunes « mis » en difficulté tant il est vrai que la première cause de désinsertion n’est pas à rechercher tel un cancer à extirper chez les jeunes : elle réside dans l’hyper-sélectivité du marché du travail, celles et ceux qui sont aux affaires ou aux manettes ayant généralement oublié que « de leur temps » un simple bachot, voire moins, suffisait alors qu’aujourd’hui l’insertion est un processus générationnel dont ne sont exonérés que les héritiers.

Les « emplois d’avenir » sont sans ambiguïté une politique d’emploi d’équité (= faire plus pour ceux qui ont moins) s’adressant à des jeunes peu ou pas diplômés, ou encore vivant en ZUS. En faire une politique en direction des jeunes diplômés, même si ceux-ci méritent d’être aidés, constitue un détournement, un déni de droit que le fait d’être élu non seulement n’autorise pas mais devrait tout au contraire combattre.

Toutefois un hiatus est révélé par l’expression « attendu par l’Etat ». Effectivement, les « emplois d’avenir » sont un programme d’Etat et l’on peut même dire que l’espoir d’ « inverser la courbe du chômage » reposait pour une très large part sur ces contrats aidés. Si, d’un côté, on attend a minima des élus le respect de la législation, d’un autre côté on peut comprendre que ceux-ci soient médiocrement motivés pour gérer des dispositifs et programmes hétéronomes, c’est-à-dire décidés ailleurs, ici par l’administration (ministère du Travail, DIRECCTE). Il y a trente ans, à leur naissance, les Missions étaient bien « locales », c’est-à-dire conçues, créées et animées par les élus locaux, le président d’une Mission locale étant nécessairement le maire de la commune concernée. Nous étions à ce moment dans une dynamique de projet ascendant et de développement local ; nous sommes à présent face à des structures appliquant des programmes descendants, en particulier ceux de l’Etat. Dès lors, quel intérêt pour l’élu municipal ou intercommunal ?

Ceci étant, certains édiles ne manquent pas d’aplomb. Ainsi le président de la Mission locale de Loudéac, l’UMP Guy Le Helleco, accorde une subvention sur la base d’un euro par habitant et par an, soit 50% de moins que la moyenne nationale… au total 36 000 € ! A savoir 7,5% du total des subventions (480 000 € en 2013). Manifestement le sort des jeunes peu ou non diplômés n’est pas sa préoccupation première et, d’ailleurs, il a annoncé que la communauté de communes CIDERAL se retirerait au 1er janvier prochain de la Mission locale, mettant en cause le principe républicain de continuité territoriale puisque, depuis 2000, les Missions locales ont une mission de service public.

Que faire ? Une suggestion citoyenne : aller fouiller le budget communautaire des subventions et investissements. Une hypothèse, vérifiée ailleurs : on constatera que, pour d’autres causes, la collectivité est moins pingre. A titre d’illustration et comme le rapporte le « Réquisitoire contre les dépenses inutiles des maires » (Dossiers du contribuable, avril 2013), le coût moyen d’un rond-point oscille de 200 000 € pour un basique à un million d’euros pour un « ornementé ».

Dès lors que les finances sont tendues, la question du choix est primordiale et ce qu’écrivait Michel Foucault  pourrait être un amer guidant la réponse : « Une société se juge à la façon dont elle traite ses exclus ».  A moins que l’idée soit de faire tourner jeunes et chômeurs autour de ronds points fleuris. Une sorte de jeu de piste, façon « On achève bien les chevaux ».

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