Mission. Insertion (Philippe Labbe Weblog. II)

Performance, emplois d’avenir, Civis (Rbeaune, 25/09/2012)

25 Septembre 2012, 16:26pm

Publié par mission

La loi organique relative aux lois de finances du 1eraoût 2001 s’applique au budget de l’Etat depuis 2006 avec une double logique :

 

- performance de la gestion publique avec une nouvelle nomenclature budgétaire qui découpe l’action de l’Etat en missions déclinées en programmes et actions et qui prévoit un programme annuel de performance par mission évalué ensuite par le rapport annuel de performance

- et transparence pour favoriser le contrôle du Parlement assisté en cela par la Cour des Comptes.

 

Rappelons qu’elle résulte de travaux assez consensuels menés par Didier Migaud (député socialiste à l’époque et depuis Premier Président de la Cour des Comptes) et Alain Lambert (député centriste). Elle met en avant toute l’importance prise par la Cour des Comptes et par son Premier Président et donc tout l’intérêt de regarder l’annexe à la Loi de Finances http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/farandole/2012/pap/pdf/PAP2012_BG_Travail_emploi.pdf

et l’analyse de l’exécution du budget par missions et programmes : http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Resultats-et-gestion-budgetaire-exercice-2011

 

Les Missions locales relèvent de la Mission Travail et Emploi et du Programme 102 : accès et retour à l’emploi et leur performance est mesurée par deux indicateurs :

 

- indicateur 3-2 : « taux d’insertion des jeunes bénéficiaires d’un dispositif spécifique (Civis, Epide, contrat d’autonomie) mesuré par l’accès à l’emploi à la sortie du dispositif (fixé à 50% en 2012 dont 40% en emploi durable avec une cible identique pour 2013. 

 

- indicateur 3-5 : « part des jeunes non qualifiés (niveaux VI, Vbis et V sans diplôme) et des jeunes résidant en ZUS dans le total des jeunes bénéficiaires d’un dispositif spécifique » fixée à 52 et 21 % avec une cible en 2013 de 55 et 22%.

 

Cette mesure de la performance réduite à ces deux indicateurs présente des limites :

 

- elle ne s’appuie que sur le programme Civis, certes majeur dans l’accompagnement des jeunes, mais oublie le million d’autres jeunes suivis 

 

- elle ne couvre que l’accès à l’emploi, même si elle a été élargie depuis 2011 avec tous les accès à l’emploi alors qu’elle ne s’appuyait auparavant que sur l’accès à l’emploi durable (CDI ou CDD de plus de 6 mois hors contrats aidés non marchands) 

 

- l’indicateur « qualitatif » oublie les jeunes issus des zones de revitalisation rurale.

 

Mais l’exercice est délicat de trouver des indicateurs synthétiques pour tenter d’évaluer un processus d’insertion. Aussi est-il intéressant d’en connaître la lecture qu’en fait la Cour des Comptes dans son analyse de l’exécution du budget 2011.

 

Elle souligne la difficulté d’une mesure de la performance avec la création fréquente de nouveaux dispositifs et l’instabilité des dispositifs existants, recommandant de s’appuyer sur des indicateurs plus structurels, donc moins sensibles à la conjoncture.

 

Elle constate que, sur le programme 102, Pôle Emploi fournit théoriquement plus de la moitié des données alors qu’il est directement concerné par les actions qu’il s’agit de mesurer et que seulement deux sont complètement renseignés. Ainsi, sur celui du suivi des salariés en CUI (cible = 100%), elle s’étonne qu’avec 2,62 Md€ en autorisation d’engagement et 1,93 en crédits de paiement pour cette action majeure de la politique de l’emploi, aucune donnée ne soit fournie pour le suivi dans l’emploi par Pôle Emploi (on peut aussi s’étonner que les autres prescripteurs de contrats aidés ne soient pas concernés). Néanmoins, on ne peut que se féliciter de voir les gardiens de la bonne utilisation des fonds publics demander un véritable suivi dans l’emploi. On peut aussi s’interroger sur le suivi post CUI qui s’appuie sur une enquête téléphonique de l’ASP corrigée par la DARES.

 

Sur l’indicateur 3-2 qui concerne les Missions locales, le lien performance – financement des Missions locales est souligné par la DGEFP dans le cadre de la nouvelle Convention pluriannuelle par objectifs. Mais on peut dire que la performance du réseau n’est mesurée que sur un seul critère très conjoncturel : l’accès à l’emploi marchand et que la situation actuelle du marché du travail va conduire à une baisse de la performance… que pourraient accroître les emplois d’avenir…qui, de même, vont pénaliser les résultats du programme d’accompagnement mis en place par l’Accord national interprofessionnel du 7 avril 2011 où seules les sorties en Contrat initiative emploi sont reconnues comme positives…

 

Ce dispositif contra cyclique vise à offrir des solutions d’emploi et de professionnalisation aux jeunes peu ou pas diplômés. On peut souligner deux points importants :

 

- le suivi en emploi est reconnu comme un élément majeur pour la réussite du dispositif. Inscrit dans la Loi, il donne aux opérateurs la légitimité pour intervenir auprès du jeune et de l’employeur pour sécuriser le contrat, vérifier le respect des engagements de professionnalisation et de formation, aider à la pérennisation du poste ou valoriser les compétences acquises pour préparer la sortie du contrat.

 

- les Missions locales seront un élément majeur dans la mise en œuvre de ces emplois d’avenir avec un financement spécifique pour cette charge de travail supplémentaire.

 

Mais, paradoxalement, s’appuyant largement sur le Contrat d’accompagnement dans l’emploi, il ne pourra que faire baisser le taux de sortie en emploi durable, le CAE étant exclu dans le comptage…

 

Cela devrait conduire à la reprise d’une réflexion autour du Contrat d’insertion dans la vie sociale qui ne devrait plus, pour la mesure de sa performance, s’appuyer sur le critère le plus conjoncturel qui soit, à savoir à l’accès à l’emploi dont durable.

 

Elle pourrait s’appuyer sur une sortie vers un dispositif qui porte en lui-même un processus d’insertion :

 

- retour en formation initiale

- accès à une école spécialisée (aide-soignant, infirmier, moniteur-éducateur, gendarmerie,…) ou Ecole de la 2ème chance ou Epide…

- apprentissage et contrat de professionnalisation

- formation qualifiante

- contrats non marchands aidés

- emplois d’avenir

- prochains contrats de génération

- contrats marchands aidés de type CIE

- contrats marchands durables.

 

Cet indicateur de sortie « positive » mesurerait mieux la qualité de l’accompagnement avec la recherche, pour chaque jeune, du parcours le plus approprié à sa situation en prenant en compte le contexte économique. Il serait bien moins conjoncturel en regroupant des sorties cycliques et / ou contra cycliques. Il distinguerait mieux le rôle des différents acteurs et éviterait des doubles comptages. Il pourrait s’inscrire dans la durée, même avec les changements nécessaires des modalités de chaque dispositif.

 

Pour compléter ce programme d’accompagnement initial, un nouveau programme d’accompagnement dans l’emploi et la formation pourrait être créé. Il aurait un champ plus large en pouvant intégrer les jeunes qui ne relevaient pas ou plus du programme CIVIS actuel, mais qui accèdent à une solution avec l’accompagnement des Missions locales, permettant ainsi de mieux mesurer la performance de celles-ci. Le contenu de cet accompagnement serait bien évidemment adapté à la situation et aux moyens alloués car c’est un processus chronophage qui demande en plus une très forte réactivité.

 

Il conviendrait d’en définir les priorités même si celles-ci commencent à poindre :

 

- il est affiché et des moyens sont alloués pour les emplois d’avenir

- il est prévu pour les contrats de professionnalisation, mais encore très peu, voire pas du tout mis en œuvre. Une négociation avec les OPCA pourrait relancer le processus

- des conventions sont mises en œuvre avec les Conseils régionaux pour la formation qualifiante, mais elles pourraient être plus formalisées pour mieux définir la partition des rôles entre le « prescripteur » et l’organisme de formation

- l’apprentissage dont les résultats en terme d’insertion sont mis en avant pourrait en bénéficier sachant que l’accompagnement tout au long du contrat donne 2,5 fois plus de chance aux jeunes d’aller au terme du contrat (expérimentation tutorat externe en Côte d’Or), que les ruptures sont beaucoup plus nombreuses pour des diplômes préparés de niveau V ou IV et que 25% des entreprises qui connaissent une rupture ne souhaitent plus recruter un jeune en apprentissage (Association française des Chambres de Commerce et d’Industrie).

 

La création de ce programme de suivi en emploi et en formation présenterait un double avantage :

 

- introduire un processus qualitatif dans des dispositifs où l’aspect quantitatif est essentiel pour favoriser l’insertion des jeunes en démontrant ainsi que les jeunes ne correspondent à l’image que certains veulent leur attribuer et que la politique de l’emploi n’est pas limitée au traitement social du chômage

- permettre au niveau de chaque territoire un diagnostic de l’efficacité de chacun des dispositifs pour rechercher partenarialement des voies d’amélioration.

 

L’impact pour les Missions locales serait aussi double :

 

- leur rôle de pivot dans l’insertion des jeunes serait totalement reconnu

- la complémentarité entre accompagnement des jeunes et relation avec les entreprises prendrait tout son sens dès lors que les moyens sont affectés à ce suivi en emploi

 

Si la sécurisation des parcours professionnels est une des priorités de la feuille de route de la conférence sociale de juillet 2012, une telle déclinaison en ferait une priorité pour les jeunes. On pourrait imaginer que les partenaires sociaux réorientent leur soutien à l’emploi des jeunes tel que mis en œuvre actuellement par l’Accord national interprofessionnel du 7 avril 2011 vers ce suivi dans l’emploi tout en créant un dispositif d’aides financières pour favoriser l’accès et le maintien dans l’emploi.

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