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Emplois aidés : traitement social du chômage ou véritable politique d’insertion ? (Rbeaune, 15/10/2012)

16 Octobre 2012, 19:47pm

Publié par mission

Les débats sur les emplois d’avenir ont souligné la volonté du gouvernement et des parlementaires d’en faire un véritable dispositif d’insertion pour les jeunes peu ou pas qualifiés :

-    « un suivi personnalisé professionnel et, le cas échéant, social du bénéficiaire est assuré pendant le temps de travail » = sécurisation externe du contrat

-   « un bilan relatif au projet professionnel du bénéficiaire et à la suite donnée à l’emploi d’avenir est notamment réalisée deux mois avant l’échéance de l’aide relative à l’emploi d’avenir » = sécurisation externe préalable à la sortie du contrat

-   « l’aide relative à l’emploi d’avenir est attribuée au vu des engagements de l’employeur sur le contenu du poste proposé et sa position dans l’organisation…, sur les conditions d’encadrement et de tutorat … » = engagement initial fort de l’employeur sur l’accompagnement interne du jeune

-    « ainsi que sur la qualification ou les compétences visées dont l’acquisition est visée pendant la période en emploi d’avenir. Ces engagements portent obligatoirement sur les actions de  formation, réalisées prioritairement pendant le travail, ou en dehors de celui-ci qui concourent à l’acquisition de cette  qualification ou de ces compétences et les moyens à mobiliser pour y parvenir » = la qualification ou le développement des compétences du jeune sont une condition sine qua non  de l’embauche initiale

-     « Ces actions de formation privilégient l’acquisition de compétences de base et de compétences transférables permettant au bénéficiaire de l’emploi d’avenir d’accéder à un niveau de qualification supérieur » = objectif qualitatif essentiel

-   « en cas de non-respect de ses engagements par l’employeur, notamment en matière de formation, le remboursement de la totalité des aides publiques perçues est dû à l’Etat » = un dispositif de sanction clairement annoncé dans la Loi.

Ils mettent aussi les Missions locales au cœur du dispositif (ce qui paraît bien normal car c’est l’essentiel de leur « public » qui est concerné).

Mais, parallèlement, dans les débats, il est apparu que la cible de 150 000 jeunes concernés (132 000 plus exactement si on enlève les emplois d’avenir professeur) est inférieure aux besoins estimés à plus de 500 000 jeunes potentiels…

Dans le même temps le CESE émet des recommandations :

-   N°3 : «il déplore cependant que ce nouveau SPO concentre l’essentiel de son budget sur le développement d’outils dématérialisés. Les jeunes doivent être accompagnés et conseillés à toutes les étapes de leurs parcours et de leurs choix menant au marché du travail. Cela passe en premier lieu par une information précise et complète sur les métiers, le contenu et le déroulement des formations ainsi que sur les débouchés professionnels en termes d’emploi et d’évolution professionnelle. Une augmentation du nombre de professionnels de l’orientation, régulièrement formés et dont le rôle doit être revalorisé, est nécessaire. Le développement du SPO doit aller davantage en ce sens et l’accompagnement humain, et l’accueil au sein de sites physiques ouverts et accueillants doit être renforcé.”

-    N° 17 : « Le service public de l’emploi auquel appartiennent les missions locales manque de moyens pour suivre et accompagner les jeunes les plus en difficulté. Le réseau des missions locales pâtit de moyens insuffisants et hétérogènes. L’aggravation de la crise de l’emploi ces dernières années rend nécessaire un renforcement des moyens des missions locales, notamment des moyens humains, dans le cadre de conventions d’objectifs avec l’Etat et les collectivités territoriales, comme l’Etat l’a fait pour Pôle emploi ces derniers mois.

Manque de moyens en terme d’emplois d’avenir, manque de moyens au niveau de ce qui est jugé essentiel par tout le monde = l’orientation, manque de moyens au niveau de l’accompagnement …

Le CESE avait bien tracé une piste à 48 millions d’euros : « Dans un souci de simplification des dispositifs existants et de recherche de l’efficacité, le CESE préconise d’étudier la faisabilité d’un redéploiement de l’effort budgétaire lié au contrat d’autonomie vers le financement d’un « CIVIS intensif », prestation de prospection et d’accompagnement renforcé vers l’emploi, que les missions locales pourraient assurer en régie ou piloter dans le cadre de marchés régionaux.”

Mais elle n’a pas été retenue par le Gouvernement puisque les moyens des Missions locales pour 2013 sont maintenus au niveau de ceux de 2012 (ce qui équivaut à une baisse avec l’inflation, notamment liée aux frais de déplacement, à la progression justifiée des salariés à l’ancienneté et à l’acquisition de nouvelles compétences et – éventuellement- à une revalorisation du point d’indice).

Il y a certes l’enveloppe de 30 millions d’euros annoncés pour le suivi des emplois d’avenir, mais son contour et sa durée sont encore incertains et elle correspond à une nouvelle tâche qui demandera des moyens supplémentaires.

Il y a aussi l’éventuelle reconduction de l’Accord National Interprofessionnel du 9 avril 2011, mais la concurrence qu’il instaure avec le CIVIS n’est peut pas le meilleur moyen pour rechercher l’efficacité (cf  préconisation d’un accompagnement renforcé en emploi ou en formation : « pour compléter ce programme d’accompagnement initial, un nouveau programme d’accompagnement dans l’emploi et la formation pourrait être créé. Il aurait un champ plus large en pouvant intégrer les jeunes qui ne relevaient pas ou plus du programme CIVIS actuel, mais qui accèdent à une solution avec l’accompagnement des Missions locales, permettant ainsi de mieux mesurer la performance de celles-ci. Le contenu de cet accompagnement serait bien évidemment adapté à la situation et aux moyens alloués car c’est un processus chronophage qui demande en plus une très forte réactivité…  Si la sécurisation des parcours professionnels est une des priorités de la feuille de route de la conférence sociale de juillet 2012, une telle déclinaison en ferait une priorité pour les jeunes. On pourrait imaginer que les partenaires sociaux réorientent leur soutien à l’emploi des jeunes tel que mis en œuvre actuellement par l’Accord national interprofessionnel du 7 avril 2011 vers ce suivi dans l’emploi tout en créant un dispositif d’aides financières pour favoriser l’accès et le maintien dans l’emploi ». Mais cette piste est liée à une négociation et à un accord en partenaires sociaux.

Alors, en période d’examen de la Loi de Finances, il faut se livrer à un exercice difficile : comment augmenter les moyens des Missions locales sans creuser le déficit et sans accroître la pression fiscale.

Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle en a donné les contours : il s’alarme de l’augmentation de la précarité, notamment chez les jeunes, avec des recours accrus aux CDD et à l’intérim.

Dès lors on peut s’interroger sur les aides apportées sur des CDD pour les contrats initiative emploi. Ils représentent en 2011 32% des CIE signés, soit grossièrement, avec une autorisation d’engagement de 163 millions d’euros toujours pour 2011, une économie potentielle d’environ 50 millions d’euros. Ainsi :

-    Si les seuls les CDI bénéficient d’aides, leur enveloppe pourrait être augmentée car on peut penser que plus d’entreprises accepteront de signer un CDI ou redistribuée autrement avec une aide mensuelle et une aide à 12 ou 18 mois si le contrat vit toujours

-    Le problème de la non-perception de la prime de précarité pour les bénéficiaires d’un CDD, mais en CIE serait résolu

-     Des moyens pourraient être dévolus aux Missions locales pour renforcer leur rôle

            -    La politique de l’emploi encouragerait le seul emploi durable, celui en contrat à durée indéterminée.

Avec les emplois d’avenir, il a aussi insisté sur la nécessité de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes peu ou pas qualifiés. Une autre piste pourrait être creusée sur les CIE car 17% d’entre eux s’adressent à des jeunes qui ont un niveau supérieur au BAC…

Si l’insertion professionnelle et sociale des jeunes peu ou pas qualifiés est une priorité (cette analyse sera à compléter, modifier avec les contrats de génération), si les moyens alloués aux contrats aidés en 2013 ne diminuent pas, une réallocation de ceux-ci permettraient de compléter l’effort accompli avec les emplois d’avenir…

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